Un poème que je déguste avec délice depuis des années. Un poème, ce vécu que l'on offre au papier...

Comme une ombre...

J'ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.
Est-il encore temps d'atteindre ce corps vivant et
de baiser sur cette bouche la naissance de la voix qui m'est chère?
J'ai tant rêvé de toi que mes bras habitués en étreignant
ton ombre à se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas
au contour de ton corps, peut-être.
Et que, devant l'apparence réelle de ce qui me hante
et me gouverne depuis des jours et des années,
je deviendrais une ombre sans doute.
O balances sentimentales.
J'ai tant rêvé de toi qu'il n'est plus temps
sans doute que je m'éveille.
Je dors debout, le corps exposé à toutes
les apparences de la vie et de l'amour
et toi, le seul qui compte
aujourd' hui pour moi,
je pourrais moins
toucher ton front et tes
lèvres que les premières lèvres
et le premier front venu.
J'ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé,
couché avec ton fantôme qu'il ne me
reste plus peut-être, et
pourtant, qu'à être fantôme
parmi les fantômes et plus
ombre cent fois que
l'ombre qui se promène et se
promènera allégrement
sur le cadran solaire de ta vie.

R.D "Corps et biens"

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